La délicatesse

Étrange : un même mot résonne de manière différente selon le contexte et l’oreille de chacun·e.

• La gentillesse ? Selon les uns, elle décrit une personne de nature empathique et paisible. D’autres y voient le portrait d’une bonne poire.

• La spontanéité ? Pour les uns, elle décrit un être impulsif, peu soucieux de réfléchir avant de parler ou d’agir. Pour d'autres, elle traduit une manière d'être naturelle et dénuée d'arrière-pensée.

La plupart des malentendus, des conflits reposent sur des interprétations différentes d’un même mot. Aucun dictionnaire ne parvient à décrire la précision d’une pensée, d’une sensation.

Les mots peuvent tromper. Un orateur les détourne pour conquérir des voix. Son discours est réglé pour que chacun·e interprète une phrase à sa manière.

Dans la langue française, un mot renvoie à 6 définitions différentes : délicatesse - ou son adjectif délicat.

Le dictionnaire Larousse les énumère :

1. D’une grande finesse ; exquis, raffiné. Un visage aux traits délicats. Un parfum délicat.

2. Qui manifeste de la fragilité. Santé délicate.

3. Difficile à gérer ; périlleux. Situation, manœuvre délicate.

4. Qui manifeste une grande sensibilité, du tact. Un homme délicat. Une attention délicate.

5. Difficile à contenter. Faire le délicat.

6. Être en délicatesse avec quelqu’un : être en froid, en mauvais termes avec quelqu’un.

Un mot nous place tel un voyageur indécis, place de l’Etoile à Paris : chaque avenue invite à marcher vers l’inconnu.

Dans son roman La délicatesse paru en 2009, David Foenkinos explore les variations d'un mot.

Le récit égrène des personnes, des situations délicates. Il invite à revisiter ses opinions, ses croyances, ses jugements sous l’angle du paradoxe.

Un collègue, un ami, un frère est-il fatalement noir ou blanc ? Quelle est sa part d’ambivalence ? Comment se débat-il avec ses contradictions ? Qu’a-t-il d’imprévisible ? Les personnages de David Foenkinos révèlent leurs délicatesses au gré des situations et des rencontres.

Il en va de même dans un centre de bien-être. La délicatesse d’un massage semble aller de soi. Pour les uns, elle porte la marque du respect. Pour d’autres, elle évoque l’ennui. Un massage délicat témoigne-t-il d'une attention à autrui ? Ou se résume-t-il à une série de gestes superficiels ?

À la première séance, le praticien s’appuie son expérience, son intuition. Allongée sur la table de massage, la personne apprivoise une technique, une interprétation.

Un premier massage évoque le jeu d’un pianiste aux prises avec une sonate pour piano de Franz Schubert. Certaines manières d’exécuter l’œuvre agacent ; d’autres intriguent.

Parfois, une deuxième écoute est la bienvenue.

À la deuxième séance de massage, la personne détecte si un bien-être irrigue le corps et l’esprit d’une manière juste.

• La délicatesse, de David Foenkinos (Folio). Le roman, traduit dans quinze langues, a obtenu dix prix littéraires.

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