Une tendresse pour autrui

. .« Les humains sont des êtres de liens et d’amour. Lorsque le petit humain vient au monde, il est inachevé. Il est une larve. Puis la petite larve deviendra un enfant autonome et débrouillard, s’il reçoit de l’amour.

« L’amour reste ainsi dans notre mémoire un besoin permanent et vital, et le plus beau don que l’on puisse faire ou recevoir.

« Nous pouvons éprouver de la tendresse pour presque tous les humains. Je dis presque, pour ne pas nous compliquer la tâche. Laissons aux saints et aux sages le soin d’aimer les assassins, les violents, les méchants. Contentons-nous d’aimer l’humanité ordinaire dont nous faisons partie, tantôt adorable, tantôt détestable.

« La méditation peut nous y aider, et voici comment.

« Asseyez-vous dans un lieu où passent des humains. Une place, une rue, une plage.

« Reliez-vous à cet instant, à votre expérience de cet instant, à tout ce qui se passe en vous et autour de vous, tranquillement, sans vous attacher à rien d’autre qu’à la qualité de votre présence, ici et maintenant.

« Observez vos frères et sœurs en humanité, de tous âges, de toutes apparences, de toutes appartenances, qui passent sous vos yeux.

« Voyez comment votre esprit tend tout de suite à les juger : ce qui vous semble beau, et les moches ; ceux qui vous semblent sympathiques, et les autres.

« Laissez filer ces jugements. Laissez-les vivre leur vie. Ne les combattez pas, ne les alimentez pas. Passez doucement à autre-chose. A ceci par exemple : tous ces humains qui vont et viennent ont souffert.

« Comme dit le poète Christian Bobin : quelle que soit la personne que tu regardes, sache qu’elle a déjà plusieurs fois traversé l’enfer.

« Tous ces humains ont pleuré, ont connu le malheur, les trahisons, les abandons.

« Parmi les plus âgés, beaucoup sont malades, ont vu mourir des proches. Tous vont mourir un jour. Tous vont pleurer, et trembler quand ils vont le comprendre. Comme vous, comme moi, comme nous tous. Même les agaçants, même les vantards, même les bruyants.

« Tous ne sont que de petites choses, fragiles, mortelles. Tous méritent notre tendresse et notre compassion.

« Puissent-ils être protégés de la souffrance. Puissent-ils être aussi heureux que possible durant leur séjour sur cette Terre. Puissent-ils rendre heureux le plus d’humains possibles, tout autour d’eux.

« Nous pouvons être déçus, agacés, agressés par les autres humains. Mais nous pouvons aussi commencer par les aimer, sans naïveté, avec sincérité. Toujours commencer par les aimer, puis voir ce que cela donne.

« Car la fraternité est le meilleur de tous les chemins qui mènent à autrui. »

• Chronique de Christophe André, médecin psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, spécialisé dans le traitement et la prévention des troubles émotionnels anxieux et dépressifs. Livre : Et n’oublie pas d’être heureux (éditions Odile Jacob).

• Les peintures qui accompagnent la chronique de Christophe André sur cette page sont l'œuvre de Cécilia Makhloufi. L'artiste met en peinture des rencontres inopinées en des lieux insolites. Chaque modèle choisit sa pose, sa tenue, ses accessoires. La peinture dit l'amitié.

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