Puissance du toucher, vraiment ?

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Masser bébé, la personne âgée, le patient, la femme enceinte, ou tout un chacun… De livres en interviews, les praticiens en massages argumentent sur les bienfaits du toucher.

Certains évoquent même sa « puissance ». En filigrane, ils hissent les massages bien-être au même niveau qu'une thérapie.

Dès lors, un massage entre dans la nomenclature des disciplines curatives. Il devient un acte utile. Au fil des séances, la personne est supposée s’affranchir de souffrances physiques ou psychologiques. Elle respire la santé, ou presque.

L’itinéraire qui mène au bien-être est-il si direct, si évident ?

Les massages du monde s’appuient sur un bagage technique qui se compare au savoir-faire d’un artisan. Appliqué sur un être humain, un massage en pétrit aussi les pensées. La patte de la praticienne ou du praticien ajoute une part de mystère : une main a non seulement une texture, mais aussi une densité.

Aucun massage n’est neutre : il reflète la personnalité d’une femme ou d’un homme à l’ouvrage autour de la table.

Quelle que soit son humeur, une personne massée capte l’ambiance d’un lieu. Elle interprète des gestes et des mots. Elle adhère plus ou moins à une technique. Elle pactise plus ou moins avec les mains qui la travaillent du crâne à la voûte plantaire. Elle s’approprie la séance à sa façon.

En réalité, il n’existe pas de corrélation entre l'intention de la praticienne ou du praticien - même pétri·e de bienveillance - et le ressenti de la personne massée. Plus le professionnel s’acharne à faire du bien, plus il s’égare. Au-delà de son écoute et de ses capacités d’adaptation, il reste un être humain. Gardons les pieds sur terre : aucune aura ne circule dans la pièce. Au cours d’un massage, la personne découvre la gamme du toucher. Elle sourit. Parfois, elle fait la grimace.

Loin de renvoyer les massages au rayon des gadgets, l’impuissance du toucher a quelque chose de réjouissant. Le toucher est un langage riche en nuances. Il crée une rencontre entre un artisan-masseur et une personne venue vivre une expérience peu banale : voyager une heure durant avec le petit train du toucher - appuyer, glisser, étirer, mobiliser, vibrer, pétrir ; le tout dans une variation de lenteurs.

Alors, le mot bien-être prend du sens : goûter au temps présent. À quoi bon faire des projections sur les supposés bienfaits d’un massage pour l’esprit et le corps, jusqu’à en épier les effets au jour le jour ? Un massage est une ode au présent.

Mesurer l’impact du toucher, lui décerner une puissance, est peut-être une manière de le dénaturer. Un massage ne sert à rien, sauf à cueillir un plaisir. Au fil des minutes, la personne massée crée son bouquet. Elle laisse dériver ses pensées. Elle repère ici un nœud, là une raideur. Parfois, une idée lui traverse l’esprit. Elle cultive son jardin secret. Elle n’a de compte à rendre à personne.

Les massages ne guérissent de rien. Ils sont un espace-temps gratuit, sans nécessité, sans devoir, sans évaluation. Ils honorent le mot plaisir avec élégance et doigté.

Chaque être humain crée son bien-être avec les ressources de son choix.

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