Toucher la confiance. Puis danser

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Comme c’est étrange : voici une danse où il n’y a ni enchaînement de pas, ni chorégraphie à apprendre par cœur.

Ici, personne n’exécute une partition. Pourtant, la danse contact improvisation a son solfège, ses nuances, ses frictions. Le toucher compose une œuvre éphémère. Le mouvement en est la trame.

L’atelier débute tel un hymne à la paresse : le corps allongé à même le sol. Crâne, bassin, coudes, chevilles prennent contact avec un parquet ou un tapis de danse. Chaque point de contact est un appui. Le sol est notre premier partenaire de danse. Grâce à lui, le corps se dépose, puis s’élance. À chacun sa manière de cheminer jusqu’à la verticale.

Omniprésente tout au long de l’atelier, la gravité terrestre est une amie dont il est possible de s’affranchir avec doigté. En danse contact improvisation, il est doux de donner son poids à autrui ; tout comme est savoureux de le porter, à condition de ne pas lui faire mal.

Doser son toucher est un art qui s’acquiert avec le temps. Plus ou moins tonique, chaque geste interprète une danse qui se crée en solo, en duo, en trio, dans l’alchimie des personnalités.

Comment faire et se laisser faire ? L’air de rien, la danse contact improvisation nous invite à jouer avec le mot pouvoir. Tantôt l’on se laisse entraîner, voire embarquer, dans un porter qui nous étourdit quelque peu ; tantôt l’on prend le relais. Autrui est notre point d’appui, notre source d’inspiration, mais aussi notre limite.

Parfois, la danse se fait fluide et créative ; parfois, c’est laborieux. Normal : autrui est différent·e de nous. Deux corps, deux énergies s’apprivoisent plus ou moins. L’essentiel est de laisser notre jugement au vestiaire. Qu’importe si une séquence nous laisse sur notre faim : la danse contact improvisation est un résumé de la vie, avec ses joies, ses frustrations.

Une danseuse ou un danseur a le droit de se mettre sur la touche pour reprendre son souffle. Il est judicieux de s'affranchir du groupe au moment opportun. Le toucher est un ressort invisible qui joue avec les distances. Ni fusion, ni tension, la danse contact improvisation ne fonctionne jamais aussi bien que lorsque le groupe s’amuse avec l’élastique transparent qui relie chaque participant.

Danse des cinq sens, la danse contact improvisation a besoin du toucher, mais aussi de la vue, de l’ouïe, et même du goût et de l’odorat pour se déployer. Mieux la personne reste éveillée à l’instant présent, mieux elle est en mesure de jouer sur la gamme de ses gestes : fugace ou fougueux, selon la séquence.

Elle a même le droit de s’immobiliser pour mieux contempler l’état présent.

La danse contact improvisation est l’outil idéal pour apprendre à mieux connaître son corps, puis l’habiter avec une conscience toute neuve. Une zone désensibilisée reprend vie. Une autre s’assouplit. Une autre attend d’en prendre soin avec un massage. Notre corps devient notre maison. Nous la visitons de la cave au grenier, jusqu’à explorer un coin tombé dans l'oubli.

La danse contact improvisation a-t-elle des vertus thérapeutiques ? Certes, elle ouvre un lieu où se libère par le mouvement ce qui se trame à l’intérieur de soi. Chacune, chacun arrive à l’atelier avec son histoire. Des portes s’ouvrent. Néanmoins, la danse contact improvisation reste une danse.

Il serait périlleux que la séance dérive vers une thérapie de groupe. Le pédagogue doit fixer des limites sous peine de se transformer en gourou. Chacune, chacun a droit au respect de son jardin secret.

La danse contact improvisation se relie d’une certaine manière aux arts martiaux, et parfois à l’acrobatie : danseuses et danseurs apprennent à porter, tomber, rester en suspens. La technique ouvre des libertés.

C’est pourquoi il faut plusieurs séances pour devenir d’authentiques jazzmen et jazzwomen de la danse : se passer de partition tout en restant connecté aux autres interprètes.

Œuvre éphémère, une séance de danse contact improvisation n’a pas l'ambition d’un spectacle. Qu’importe le résultat : seul le groupe partage le secret d’une expérience où le sixième sens a inspiré un geste, puis l’autre.

À la fin du stage, danseuses et danseurs repartent avec un trésor.

• La danse contact improvisation a été créée par le danseur et chorégraphe américain Steve Paxton en 1972. Elle est arrivée en Europe dans les années 1980 avec des pédagogues tels que Patricia Kuypers.

• Page réalisée avec l'éclairage de Julia Raynal, danseuse et circassienne qui intègre la danse contact improvisation dans sa pratique artistique.

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Danseurs à Osse-en-Aspe par Erik BRISSOT sur Vimeo.

Chaque année au début de l'été, une équipe de bénévoles crée une sculpture végétale et éphémère à flanc de montagne. En 2020, la danse fut mise à l'honneur. Pour faucher le pré avec précision, et ainsi créer la forme de la sculpture, les bénévoles sont guidés à distance. L'œuvre fut visible au-dessus du village d'Osse-en-Aspe de juillet 2020 à février 2021. Le diaporama ci-dessus montre comment danse et nature improvisèrent une danse contact sept mois durant, jusqu'à la mise au noir finale, sous l'effet de la neige, puis d'un écobuage.