Le toucher qui donnait des ailes

. .Tout part d'un fil musical. Chaque morceau porte une mélodie, un rythme.

Anaïs Vives monte le son. Douze enfants de 6 mois à 3 ans se figent. L’un se dresse et se balance. L’autre rampe vers le sol. Un troisième frappe sur ses cuisses pour marquer la mesure.

Une assistante maternelle prend l’un d’eux par la main. La pédagogue l’interrompt : pendant trente minutes d’atelier, aucun geste ne sera dirigé.

Anaïs Vives est professeure de danse et psychomotricienne. À Rodez, Lyon, Bourg-en-Bresse, elle invite adultes et enfants à partager un moment commun de liberté par le mouvement.

En crèches, avec les assistantes maternelles, dans les écoles : les professionnels de l'éducation sont invités à se mouvoir dans la pièce avec la même spontanéité que les enfants.

Anaïs a aussi tâtonné avant de trouver sa danse. Ses études en psychomotricité lui ont donné un solide bagage théorique. Elle en a retiré une méthode pour aider les corps en fragilité. Sa formation en danse a tout bousculé.

L’imaginaire s’est invité dans les rouages.

En lieu et place de consultations individuelles, Anaïs ouvre des ateliers où la maladresse a droit de cité.

« J’aime travailler avec des adultes, des enfants qui pensent qu’ils ne savent pas danser, raconte-t-elle. Je pars du principe que tout mouvement est bon à transformer en matière à danser, mimer, jouer. Il y a un danseur en chacun d'entre nous. »

Sa bienveillance sert de déclic. Pourquoi raser les murs, craindre les autres, alors que chaque femme, chaque homme invente une danse qui ne sera jamais imitée ?

Sur sa lancée, Anaïs Vives crée sa compagnie, Rêve de lune, et produit sa première pièce, Le jour où, un solo de danse pour les enfants de 6 mois à 3 ans. La trame du spectacle prévoit que le jeune public pourra déambuler dans l’espace, jusqu’à toucher la danseuse, effleurer les tissus extensibles et déformables qui créeront une bulle de vie sur scène.

Le solo, en création lors d'une résidence à l'école maternelle Charles Péguy à Bourg-en-Bresse (Ain), sera présenté au public le 23 juin 2017.

Anaïs rêve d’ouvrir des ateliers qui réuniraient enfants et parents. Elle va tenter l’expérience, un dimanche par mois. Les papas, les mamans répondront-ils présents ?

La jeune femme sait que le pari reste audacieux : les codes de la parentalité résistent encore et encore à la liberté de bouger. Le parent veut tempérer l’enfant, alors que l’enfant a quelque-chose à raconter à ses parents avec son corps.

Anaïs Vives est patiente : elle garde en mémoire vingt années de recherche éperdue du geste juste, du toucher juste.

Elle a beau avoir pris ses premiers cours de danse dès l’âge de 4 ans, avoir obtenu son diplôme de psychométricienne, puis celui de professeure de danse, elle se souvient que tout s’est mis en place le jour où une enseignante a déposé une main sur sa cage thoracique.

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