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La machine à broyer


Recruter, puis casser, puis jeter : Dans son livre « DRH, la machine à broyer », Didier Bille décrit les méthodes de management en usage dans certaines entreprises.

Bienveillance, vraiment ?

Comment se déroulent les coulisses d’un recrutement ? Quels sont les pièges d’une formation interne ou d’une enquête de climat social ? Comment sont sélectionnés les Talents qui recevont un bonus à la fin de l’année ? Comment devient-on un élément indésirable dans l’organigramme ? Comment se déroule une procédure de licenciement, même sans cause réelle et sérieuse? Comment survivre au tsunami d’une exclusion, un vendredi soir dans le bureau du DRH ? Réponses dans un livre témoignage de Didier Bille.

. . .La machine à broyer. La préparation des raisins secs à Javea, par Joachim Sorolla y Bastida. Beaux-arts de Pau.En réunion d’équipe mensuelle, un manager invente une cérémonie : en préambule, il sort un singe hilare en peluche doté d’un orifice anal dilaté; il saisit une carotte ou une banane; il désigne le « traîne-savates du mois ». Tout en prononçant le nom du winner, il enfonce le fruit ou le légume dans l’orifice. Le « gagnant » garde visible son trophée au cours d’une réunion qui sert à rappeler des objectifs, tester des connaissances, apporter des mesures correctives.

L’histoire figure au chapitre Arbeit macht Frei (« le travail rend libre », slogan nazi) du livre que Didier Bille, ancien directeur des ressources humaines dans des groupes internationaux, publie aux éditions du Cherche Midi et dans lequel il révèle les zones d’ombre du management contemporain.

Recruter, puis broyer, puis jeter : tel est le scénario implacable que le DRH a appliqué en vingt-cinq années de carrière. Au fil des opportunités, il a exercé son savoir-faire dans un panel d’entreprises des secteurs de l’automobile, de la pétrochimie, de la pharmacie - entre autres.

Un vendredi soir, une goutte d’eau fait déborder le vase : face au désarroi de Marie-Antoinette, 59 ans et trente ans de maison, licenciée sans motif valable, Didier Bille s’arrache de sa prison dorée. Puis il écrit un livre dans lequel chaque parole, chaque fait est garanti véridique. Seul le nom des personnes et des marques a été changé.

. . .La machine à broyer. Sculpture de Pascal Borghi.La machine s’ébranle dès l’étape du recrutement. Les candidats sont peu à peu éliminés au fil de tests psychométriques gérés par des algorithmes qui jaugent l’intelligence émotionnelle, la personnalité et les motivations, puis affectent les personnes dans des cases.

Les consultants en acquisition de talents, qui ignorent les métiers de l’entreprise, se fournissent dans des bases de données telles que le Kompass ou postent des annonces via un cabinet vitrine.

Ce « vernis scientifique », outre son coût, engendre des recrutements aléatoires où, selon Didier Bille, la discrimination tient une large place : la sélection élimine les jeunes femmes sans enfant, les personnes typées ou avec accent, les gros, ceux dont l’adresse postale évoque une cité HLM.

Quota de licenciements

La machine à broyer. Détail d’une peinture de Jules Pagès : mariniers au Pont-Neuf. Beaux-arts de Pau.À l’autre bout de la chaîne, les normes anglo-saxonnes qui s'appliquent au management imposent de renouveler chaque année 5 à 15% du « cheptel de salariés ». Ceux-ci font l’objet d’une pression au dépassement de soi et de ses objectifs.

La revue de performance, mensuelle ou annuelle, classe les effectifs en trois catégories. Celles et ceux qui, hors de tout critère objectif, atterrissent dans la zone des bottom five subissent le rouleau compresseur d’un management qui les mène à la convocation, puis au licenciement, selon une formalité d'une durée de 15 à 30 minutes à la DRH.

Dans son livre, Didier Bille apporte force détails sur les méthodes qui poussent un salarié vers la sortie en le délestant de sa dignité et de ses droits.

Le travail de sape commence par le fait de minimiser ses réussites, s’appesantir sur des objectifs non atteints, inventer toujours plus de critiques. Arrive la seconde étape : injonctions paradoxales, humiliations publiques, immixtions dans la vie privée, menaces permanentes de licenciement, harcèlement au téléphone. Une méthode de déstabilisation élaborée consiste à se montrer verbalement odieux dans un face-à-face, sans témoin ; et dans le même temps à se montrer charmant et constructif en public et dans les mails.

Licencier quelqu’un sans cause réelle et sérieuse, en inventant un motif de toutes pièces, est selon Didier Bille un jeu d’enfant. Le traumatisme est tel chez le salarié qu’une infime minorité songe à saisir le tribunal des prud’hommes. En face, l’entreprise dispose de cabinets d’avocats, de réserves financières, mais aussi de temps: quatre années en faisant appel du premier jugement. Bien après les faits, les acteurs du conflit ont changé de film.

Bénir Pole Emploi

Photographie : Le Corps S’éveille.Les réformes successives du Code du travail, dont la dernière version fut promulguée à l’automne 2017, ont fait baisser le montant des indemnités. Didier Bille prend pour exemple un salarié ayant deux ans d’ancienneté : les ressources humaines proposent désormais deux à quatre mois d’indemnités au lieu de quatre à six mois avant la réforme voulue par Emmanuel Macron.

Les services de ressources humaines ont d’autant moins de scrupules à licencier (optimiser, dit-on aujourd’hui) qu’ils bénissent Pole Emploi et la Direction du travail qui ferment les yeux sur de telles pratiques. Dans la transaction, l’employeur intègre les indemnités chômage pour présenter un avenir le plus avantageux possible au salarié, quitte à «oublier» les pièges que sont le délai de carence et la fiscalité des revenus du chômage.

Faux et usage de faux

La machine à broyer. La grève au Creusot : peinture de Jules Adler. Musée des beaux-arts de Pau.Didier Bille révèle une astuce qui consiste à postdater une transaction pour garder le salarié sous pression au cours de la procédure de licenciement. Une telle pratique s’apparente à un « faux et usage de faux ». Dans le métier, on parle de business as usual.

La purge permanente touche tous les métiers. Elle viserait en particulier les postes dédiés à la sécurité et au respect des réglementations, c’est-à-dire les compétences qui entravent le toujours plus de rentabilité et de profits. D’où les accidents du travail (1), mais aussi les scandales - Didier Bille ne cite pas les moteurs diesel truqués, mais le lecteur ne peut s’empêcher d’y penser.

Sont aussi visés celles et ceux qui auraient des velléités à se présenter aux élections syndicales et au comité d’entreprise. Un salarié protégé par un tel statut devient un péril. Les méthodes internes de surveillance, appelées « monitoring », permettent de contrôler les faits et gestes d'un salarié sur son ordinateur ou son téléphone portable, y compris à titre privé. Une salariée ayant l’idée malencontreuse d’évoquer son souhait d’avoir un enfant sera convoquée un vendredi soir à la DRH qui lui signifiera une « faute lourde » inventée à l'improviste, puis la licenciera.

Pendant la « foire aux bestiaux », la fête continue à la direction générale et chez certains actionnaires. Didier Bille cite Priscilla, sa supérieure hiérarchique, qui « méprisait les médiocres émargeant à moins de 500 000 euros par an et ceux qui ne portent pas au moins cinq ans de SMIC en bijoux, chaussures et vêtements sur eux. » Encore mieux : un dirigeant cumule mandat social et contrat de travail, ce qui est en principe très surveillé - mais rien n’empêche de rédiger une fiche de poste sur mesure. Pour toucher une « retraite chapeau », il suffit de créer une société dans un paradis fiscal en utilisant un prête-nom. Didier Bille établit une corrélation : plus un dirigeant licencie au cours de sa carrière, plus élevée sera sa rémunération.

« Vous n’êtes pas dans l’entreprise. Vous êtes l’entreprise. »

La machine à broyer. Un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, par Edgar Degas. Beaux-arts de Pau. Didier Bille en est convaincu : personne n’est indispensable dans l’entreprise. Même un cadre labellisé Talent pour son opportunisme et recevant bonus sur bonus peut affronter des vents contraires, au gré des jeux de chaises musicales à la direction du groupe. Aucun salarié n’est à l’abri de la « machine à broyer ».

L’ancien DRH constate même que les salariés deviennent leurs propres bourreaux : la direction de l’entreprise « obotomise, car la meilleure personne pour vous fliquer (et fliquer les autres), pour vous pousser à vous dépasser, à vous surinvestir, pour vous faire accepter de faire passer vos loisirs, votre famille et votre santé après le boulot, c’est vous. Pour cela, il aura fallu ancrer en vous quelques croyances qui relèvent bien plus du fantasme et de la propagande que de la réalité. »

Une phrase résume une propagande : « Vous n’êtes pas dans l’entreprise, vous êtes l’entreprise. »

Le livre de Didier Bille fourmille de petites phrases piochées dans les bureaux : « À toi les grosses voitures ! », « Tu me le vires fissa », « Des commerciaux qui ne baisent pas, ça ne vend pas ».

Après 269 pages, et après avoir apprécié le ton satirique du récit, le lecteur comprend que dans les hautes sphères de l’entreprise, le mot ressource, cette « variable d'ajustement », écrase le mot humaine qui sert de paravent. Selon Didier Bille, la tendance gagne peu à peu l'ensemble du management.

Une lueur d’humanité luit de manière éphémère page 169 du livre : deux éboueurs restituent un billet de 50 euros à la compagne de l’auteur, aux étrennes en janvier, de crainte de passer pour des voleurs. Les belles personnes ne portent pas cinq années de SMIC sur elles. À cinq heures du matin, elles vident les poubelles.

(1) En France, en 2015, les accidents du travail, c'est 545 morts et plus de 36 000 personnes en invalidité permanente, précise Didier Bille.

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Verbatim : deux paragraphes
ouvrent le livre de Didier Bille

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La machine à broyer. Détail d’une peinture de Guillaume Guillon dit Lethiere. Beaux-arts de Pau.« Dans 1984 de George Orwell, le Ministère de la Paix s’occupe en fait de la guerre. Le Ministère de la Vérité est le ministère de la propagande et du mensonge. Le Ministère de l’Amour est chargé de la répression et de la torture. Le Ministère de l’Abondance organise la famine.

« L’entreprise moderne est bien plus efficace que l’Eurasia - pays où se déroule le roman de Orwell. La propagande, la répression et la disette ont été centralisées en une seule structure à laquelle, comme dans les États totalitaires du roman, il a été donné un nom qui inspire confiance et dissimule ses finalités: les ressources humaines. (…) Cette fonction est devenue le bras armé des directions, des actionnaires et de leur politique de la terre brûlée (...).

« Le régime politique de l’entreprise est un totalitarisme prédateur mâtiné du culte du surhomme, de la performance et du scientisme. Une entreprise n’a aucune morale, aucun scrupule. Elle n’éprouve aucune émotion, elle est incapable d’empathie ou de compassion, insensible au malheur d’autrui. Elle est purement égoïste, ne cherchant qu’à maximiser son profit immédiat, n’hésitant pas pour cela à détruire le bien commun. Elle n’a aucun sens civique, aucun sens de la solidarité. Elle n’est liée à aucune terre, aucune patrie, aucun peuple.»

• Autres thèmes développés dans le livre Comment racheter une start-up, récupérer son brevet, puis licencier son personnel Comment dégraisser massivement (rightsizing) en contournant le Code du travail, sans lancer un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) Comment parler la novlangue anglaise sur le management, de out of the box à the big picture Comment rendre un site de production non rentable, puis le délocaliser Comment gérer les emplois de complaisance Comment obtenir le prix du DRH de l’année Comment piéger les salariés avec une enquête de climat social Comment abaisser les notes annuelles de manière arbitraire (forced ranking) Comment traduire la phrase « Ensemble, cross-fertilisons nos capabilities transverses »

• DRH, la machine à broyer - Recruter, casser, jeter, par Didier Bille, Éditions du Cherche Midi.

Photographie : Le Corps S’éveille, Centre de bien-être en Pyrénées, sud de Pau et Oloron-Sainte-Marie. Le Centre de bien-être Le Corps S’éveille met en ligne un compte rendu du livre de Didier Bille au nom d’une idée noble du mot bien-être. Aux yeux d'un praticien, le bien-être ne peut se résumer à une bulle de béatitude. La lucidité contribue aussi au bien-être d’une femme ou d’un homme. Un·e salarié·e averti·e en vaut deux. Elle ou il anticipe, et se protège mieux s’il ou elle connaît les armes psychologiques dont font usage certaines structures ou personnes sans scrupule.

Photographie : Le Corps S’éveille, Centre de bien-être en Pyrénées béarnaises.Le Centre de bien-être Le Corps S'éveille
recommande de choisir un livre
en librairie indépendante.

Par exemple :

Librairie L'escapade à Oloron Sainte-Marie
16 rue de la Cathédrale
Tél. 05 59 39 40 30

Librairie Tonnet à Pau
3 bis, place Marguerite Laborde
Tél. 05 59 02 62 48

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