L’homme qui dansait sur la Lune

. . .Avec sa forme allongée qui fait penser à un diamant, ses fils, ses poulies, Laurent Chanel a inventé la sculpture qui flotte dans l’espace.

Deux marionnettistes jouent avec l’élasticité des tendeurs pour étirer, déformer, retourner l’objet baptisé Ectoplasme. Le public jouit d’une vue à 360°.

Les étudiants de l’université de sciences humaines de Bratislava en Slovaquie, puis les spectateurs du festival Reja à Tirana en Albanie, ont apprivoisé l’installation.

S’affranchir de la gravité : tel est le leitmotiv d’un artiste qui, après avoir sculpté des œuvres hors sol, décide d’en faire autant avec des corps humains.

Laurent Chanel a un atout : il arrive du cirque où il a jonglé sur scène et sous chapiteau, année après année.

Puisque les balles s’évertuent à retomber, il fait de la science physique. Il mesure la masse, la pesanteur. Il s’installe dans un cube de 1 m³ qu’il suspend dans les airs. Les parois, en plexiglas transparent, lui servent d’appuis pour imaginer des postures impossibles à imiter sur le sol.

Une fois revenu sur la terre ferme, il crée un duo : un danseur manipule le corps inerte d’une danseuse. Il la traîne, la soulève, lui invente des postures improbables. Puis ils inversent les rôles. La danseuse répète, au millimètre près, la même chorégraphie sur son partenaire.

Surfer sur la gravité devient, au fil des années, un projet pédagogique. Nourri de danse contact improvisation, Laurent Chanel invite un public amateur de tout niveau à tester à son tour des sensations : flotter, se condenser, s’étaler, se gazéifier…

Certes, le stage n’a pas (encore) lieu sur la Lune, là où la gravité est six fois moindre que sur Terre. Mais avec de l’astuce, et grâce à autrui, on peut s'en approcher. À deux, à dix, on s’allège, on se porte, on se grimpe dessus, on se dépose.

Laurent Chanel enrichit sa pratique par l'alpinisme. Il découvre un art martial russe : Systema. Il l’injecte dans les ateliers de danse contact.

Alors, la danse rejoint la science physique. Le corps éprouve ce qu’est un levier. Il apprend à résister. Il roule. Il se confronte au vide.

Sensations concrètes que les artistes de cirque testent au fil de leurs dispositifs, jusqu’au trapéziste grimpé au sommet du chapiteau.

« J’essaie de rendre mes ateliers sérieux et ludiques, précis et extensifs, explique Laurent Chanel. J’invite un stagiaire à se mettre dans la peau du chercheur.

« La danse, la physique ont besoin de laboratoires. Surfer la gravité en est un. »

Le plaisir naît lorsqu’un groupe parvient à s’affranchir de la gravité. Les corps en confiance se portent et s’allègent.

Un bien-être se sent parfois pousser des ailes.