Interpréter un tableau

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Printemps 1878 : Henri Gervex n’a que 26 ans, mais il a déjà acquis une solide réputation en tant que peintre. Il vient d’être médaillé au Salon, ce qui le dispense de passer devant le jury qui sélectionne les œuvres dignes d’être exposées.

Sauf qu’en découvrant Rolla, l’administration des Beaux-Arts sursaute, puis exclut le peintre et son œuvre jugée immorale.

Mais quel secret redoutable cache donc ce nu exposé au milieu d’autres nus ?

Henri Gervex a peint en s'inspirant d’un poème d’Alfred de Musset. Un jeune bourgeois, Jacques Rolla, sombre dans une vie d’oisiveté et de débauche. Il rencontre Marie, adolescente qui se prostitue pour fuir la misère.

La peinture montre Rolla, ruiné, se tenant près de la fenêtre, les yeux tournés vers la jeune fille endormie, sur le point de mettre fin à ses jours en avalant un poison.

Fort bien… mais où se cache
le scandale dans cette histoire ?

Si la scène est jugée indécente, ce n’est pas en raison de la nudité de Marie qui respecte les codes esthétiques de l’époque.

L’attention des spectateurs se porte sur un amas de vêtements constitué d’un jupon, d’une jarretière, d’un corset dégrafé à la hâte, surmonté d’un chapeau haut-de-forme. C'est le peintre Degas qui aurait conseillé à Henri Gervex d’ajouter un corset par terre. Ainsi, le spectateur réalise que la femme nue n’est pas un modèle.

Car la disposition de la scène, la nature des vêtements dessinent de manière explicite le consentement de Marie et son statut de prostituée. De plus, la canne qui jaillit des sous-vêtements agit comme une métaphore de l'acte sexuel.

Après son exclusion du Salon, Rolla part chez un marchand de tableaux parisien. Le scandale, dont la presse se fait largement l'écho, attire la foule.

Bien des années plus tard, dans des entretiens parus en 1924, Henri Gervex raconte le plaisir qu'il eut à voir « le défilé ininterrompu des visites ».

A-t-il volontairement provoqué la polémique, anticipé la réaction courroucée des autorités, ou son audace est-elle le fruit du hasard ? On ne le saura jamais.

Sur France Culture, l’historienne de l’art Claire Maingon résume toute la subtilité du tableau : « Il faut souligner la différence entre un nu et un corps déshabillé. Le vêtement a un rôle dans l'érotisme.

« De fait, la consigne de Degas a bien fonctionné puisque ces fanfreluches jetées au pied du lit désignent qu'il s'agit d'un déshabillé, et donc d'un sujet plus trivial qu'un nu idéal. »

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