Le toucher au masculin

« Ma rencontre avec les massages »

• Les photographies ont été prises au musée des beaux-arts de Pau, sauf la dernière prise depuis Osse-en-Aspe.

« Le jour de mon 40e anniversaire, me voilà bien penaud avec ma carte-cadeau sur la table.

« Je fixe mes amis : qu'a-t-il bien pu leur passer par la tête ?

« Pourtant, ils me connaissent bien ! Chaque dimanche je cours, je pédale. Je m’offre un trail une fois par an. Je suis hyper-actif. Mon métier me laisse peu de temps libre. Je me grise de nouvelles missions, de nouveaux défis.

« J’ai été éduqué à une certaine idée de la virilité. J’ai quelques souvenirs de raclées à la maison. Mon univers est celui de la vitesse, de l’efficacité. Quand je jouais comme trois-quart-centre dans mon club de rugby, j’apprenais à éviter les placages. Le contact est pour moi synonyme de défi. Dans ma tête, tout s’est construit dans les rapports de force.

« La tendresse, chez moi, n’est pas innée. Elle est arrivée sur le tard, à la naissance de mes enfants. Et encore, je me sens bien maladroit avec mes mains incapables de dessiner un geste doux.

« Les massages ? Oui j’en ai reçu quelques-uns, en rééducation chez un kiné, après une tendinite à l’épaule. Bien entendu, je ne suis jamais entré dans un spa. L’idée de m’allonger sur une table de massage, de ne rien faire, papouillé pendant une heure m’agace. J’ai peur de m’ennuyer au bout de cinq minutes.

« Avec cette carte cadeau dans les mains, je me sens perdu. Devant mes amis, j’hésite entre la colère et une plaisanterie d’un goût douteux. Mais dans un coin de ma tête, je sens venir une curiosité pour une expérience inédite avec le toucher.

« Ce soir, j’écris après avoir reçu le premier massage de ma vie. J’ai ouvert une fenêtre en grand.

« Je crois enfin savoir ce que signifie le mot toucher : qualité que j’avais rangée par erreur dans la sphère féminine.

« Je mesure à quel point nous sommes envahis de clichés sur les massages. Rien de superficiel ici. Douceur et profondeur font un massage de caractère. Je me suis senti porté. Les mots me manquent pour décrire mes sensations. Je croyais m’endormir ? Au contraire ! Je me suis levé plein d’énergie. A la fin de la séance, je n’avais qu’une envie : partir faire un trek en montagne.

« Le praticien était un homme. Là aussi, mes préjugés ont volé en éclats. Ni esthéticienne, ni kiné, le praticien jonglait avec les techniques tout en restant à l’écoute. Il a installé le bon tempo. Son travail était physique et humain à la fois.

« L’expérience me bouscule dans ma définition du mot virilité. Après un massage, une graine pousse en moi. J’ai envie d’oser la tendresse. J’aimerais prendre ma compagne dans mes bras, mais d’une nouvelle manière. J’imagine avoir un geste élégant envers une femme, mais sans passer pour un dragueur.

« Le massage a affiné mes sensations de sportif. Plus jamais je ne marcherai, je ne pédalerai, je ne courrai comme avant. Désormais, j’aurai du respect pour mon corps. Même dans l’effort.

« Les hommes aussi ont droit aux massages de bien-être. »

(1) Le prénom a été modifié pour respecter la confidentialité d'un témoignage publié avec l'accord de son auteur.