Attention à la marche

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Il était une fois une poule qui en avait marre que les hommes lui piquent ses œufs. Un jour elle fugue en forêt, puis elle couve sa portée au risque qu’un renard vienne tout croquer. Trois semaines plus tard, la poule est de retour. Dans son sillage : huit poussins, tous bien portants.

Cette histoire, Laura Lechef la raconte les yeux brillants. Une histoire vraie parmi d'autres : celles qui rythment un parc animalier au fil des saisons. De l’enclos des isards à celui des mouflons, chaque écart de conduite capte son attention. Comme un écho à sa propre vie, de sa Picardie natale aux confins du Béarn.

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Car douze ans plus tôt, à Soissons, Laura Lechef a un métier, une maison, une voiture, bientôt un mari et des enfants. Elle est bien partie pour mener une vie sans histoires : celle qui ne remplira jamais un roman. Or l’ennui la réveille un jour de bon matin. Son premier écart de conduite se passe au Canada. De l’Atlantique au Pacifique, elle roule et bivouaque pendant un mois. De retour en France elle enchaîne les jobs saisonniers, puis la revoilà au Québec où elle est femme de chambre à l’hôtel, caissière dans un magasin bio, vendeuse de matériel pour la cuisine ; puis le Covid-19 la stoppe dans son élan.

Et pendant que huit milliards d’êtres humains tremblent pour un coronavirus, Laura Lechef songe : sans les animaux, homo sapiens ne serait rien. À Soissons, le premier amour de sa vie s’appelle Chipie. C’est une chienne labrador/setter anglais, à huit ans sa maîtresse lui offre la moitié de sa glace. Et en 2020 ? Laura Lechef a envie de poules, d’ânes, de truies, de furets, mais aussi d’ours. Alors elle se forme pour devenir soigneuse animalière. Dans la foulée, elle part en stage. À Saint-Martin-la-Plaine (Loire) il y a des singes, mais le planning de travail est si dense que l’employée n’a pas le temps de les observer. Vivre, est-ce galoper ?

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Mais quand un alpaga lui crache dessus lors d’un stage à Parc’Ours, alors Laura Lechef songe qu’elle est peut-être arrivée à bon port. D’autant que Parc’Ours est un parc animalier, mais aussi un refuge pour animaux malades ou blessés. Pour sortir des rails faut-il gravir la pente, sauver un daim, nourrir deux ours ? Sur place, la stagiaire découvre l’animalité dans son jus. Six mois plus tard elle est salariée, puis elle apprend à faire une piqûre : la truie souffre d’un abcès. Porter du foin pour les ânes. Ramener les poules au bercail. Donner des graines aux mouflons. Vérifier le poil d’une lapine. Le soir venu, Laura Lechef rentre à Lées-Athas avec la conscience du travail bien fait.

Trois jours plus tard, le daim est décédé.

Alors une soigneuse toute neuve capte qu’elle touche à l’âme d’un métier. Sous ses yeux : le corps sans vie de l'âne, puis de la lapine, puis du furet, puis du daim. Et la mort d’un humain ? Une question philosophique prend corps en altitude, quand il faut placer le cadavre dans un congélateur puis lui trouver un successeur. De jour en jour, Laura Lechef affine son attention. La marche d’un isard. La respiration d’un bouquetin. Chaque indice lui souffle : fragile est la vie. Le soir venu, la soigneuse ouvre grand les yeux. Elle embrasse la montagne. Au loin, le chien Uka appelle sa maîtresse.

Soif d'apprendre. Faire un pas de côté. En Haut-Béarn, une routarde a-t-elle trouvé chaussure à son pied ?

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• Arrivée comme stagiaire à Parc’Ours en mai 2023, elle en est devenue salariée en novembre 2023 à l’issue de sa formation professionnelle.

• Avant d’être soigneuse animalière, Laura Lechef a été animatrice, puis responsable de centre de loisirs, puis éducatrice dans un foyer pour enfants placés sur décision de justice. À la belle saison, elle encadre des animations à Parc’Ours.

• Comme la plupart des femmes et des hommes qui viennent travailler en Vallée d’Aspe, le logement est un sujet sensible et parfois décourageant. Après avoir vécu plusieurs semaines dans un gîte d’étape, Laura Lechef a trouvé une maison en colocation à Lées-Athas.

• Confiance et autonomie sont les deux piliers de l’équipe qui travaille à Parc’Ours toute l'année. Le tout sous l’égide d’Alexandre Lehmann, son directeur.

* Page publiée le 22 mars 2024. Texte, photographies : Erik Brissot, Centre de bien-être Le Corps S'éveille. Tous droits réservés.