En Vallée d'Aspe, Maryline Casavieille élève 700 brebis. De l'agnelage à l'estive, un métier occupe une femme de 25 ans toute l'année. Ou produire du lait avec tact et complicité.
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374 : cette année, Maryline Casavieille redescend tout sourire avec le troupeau au complet. Mais vers le col de Bouésou, une bousculade renverse une brebis bien ronde : elle attend deux agneaux. La bête gît les pattes en l’air dans la ronce. Incapable de se redresser, elle meurt d’épuisement. Quand Maryline Casavieille la retrouve trois heures plus tard, elle a les larmes aux yeux. Parmi les brebis, celle-ci était une favorite. « Elle était brave », murmure l’éleveuse de 25 ans en montrant sa cloche. L’animal était une meneuse de troupeau. C’était aussi un être riche en affection.
Ce soir-là, un membre de sa famille la rabroue gentiment. Mais Maryline Casavieille assume sa peine. « J’aime mes bêtes », lance-t-elle avec un regard perçant.
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Trois mois plus tôt, une future ingénieure agronome fit une semaine de stage en estive avant de déclarer forfait. Se lever à 6 heures. Grimper à 2000 mètres. Veiller sur les retardataires quand sonne l’heure de rejoindre la cabane. Se laver à l’eau froide. Faire ses besoins sur des toilettes à l'ancienne. Dormir sur une couchette, sans 4G pour voir Youtube en haute définition. D'un commun accord, Maryline Casavieille la reconduit au village. « Il y a parfois une vision romantique du métier » admet l'éleveuse qui, depuis 2018, a partagé cinq estives avec cinq stagiaires. Lesquels l'assistèrent de bon matin pour traire les brebis.
Car l’estive est désormais équipée d’une salle de traite mobile aménagée dans un fourgon. Les brebis y passent chaque matin par douzaines jusqu’à ce qu'elles soient taries. Dans le troupeau, il y a aussi six béliers. À 25 ans, Maryline Casavieille effectue sa huitième estive près du Layens, en Vallée d’Aspe. Elle surveille, accompagne, encourage, câline, stimule en variant les itinéraires. Elle soigne si besoin, grâce à une infirmerie de 15 places dotée de luzerne, la plante fourragère qui rend des forces. Elle lâche : « C’est ici, seule à 17 ans, que j’ai eu le déclic pour le métier ». Mais voilà qu’un groupe de randonneurs pointe le bout de son nez.
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Au lieu de patienter ou de faire un détour, les marcheurs fendent le troupeau. Face à l’inconnu, des brebis détalent. D’où un mouvement de panique que l’éleveuse maîtrise à grand-peine. D’autant qu’elle a choisi de vivre là-haut trois mois par an sans chien Patou. Avec son pelage blanc, l’animal a une telle masse qu’il en impose à l'ours. Souci : parfois, il effraie les touristes. En fait, un Patou ne fait qu’aboyer. Sauf si le randonneur côtoie les bêtes de trop près. Pour éviter les ennuis, Maryline Casavieille encadre seule une estive. Certes, un chien errant fit des dégâts en 2016. Mais quand elle apprend fin août qu’un ours a tué neuf brebis d’un collègue près de La-Pierre-Saint-Martin, alors un souci barre le front de l’éleveuse. « On nous conseille 1 Patou pour 50 brebis. Mais comment faire avec les randonneurs ? Et comment garder et nourrir 8 Patou à la ferme toute l’année ? » Élever des brebis en montagne de nos jours, ça devient compliqué.
Là-haut, le père de Maryline a construit un enclos pour protéger les bêtes la nuit. C’était il y a huit ans. À la force de ses bras, il a planté une centaine de pieux en bois. Puis il a tendu les barbelés. Mais l’expérience montre que l’ours détruit tout dès qu’il est affamé. En cas de brume, le plantigrade surgit de nulle part. Quelles pensées traversent un éleveur quand il voit sa brebis les tripes à l’air et gémissante dans l’herbe ? « Tout le monde parle aujourd’hui de bien-être animal, mais peu comprennent l’attachement qui nous relie à nos bêtes », soupire la jeune femme. À ce moment une autre « brave » s’avance vers l’éleveuse : elle sollicite son attention.
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Car avec deux générations d’écart, la famille Casavieille a fait évoluer ses pratiques. Fondée en 1955 par la grand-mère de Maryline, la ferme accueille des brebis, mais aussi des chèvres et des vaches. Elle fabrique du fromage qu’elle affine sur place - il y a mille places pour les tommes. Elle propose même un fromage de mélange vache et brebis. Et ce qui frappe, tandis que Maryline Casavieille aide un nouveau-né à téter sa mère juste après sa naissance, c’est la précision et la douceur qui animent chaque geste. L’éleveuse retient une brebis peu maternelle par la corne. Elle la rassure en lui tapotant les flancs. Elle la cale contre ses jambes. Elle saisit une mamelle puis stimule l’agneau en lui remuant la queue. Alors l’expression « agneau de lait des Pyrénées élevé sous la mère » prend tout son sens. Entre deux tétées, l’éleveuse grattouille la tête d’une brebis qui la fixe dans le blanc des yeux.
De même, une soirée à la bergerie pendant l'agnelage - de novembre à mars, les brebis mettent bas - révèle la diversité dans un troupeau. Il y a les peureuses et les curieuses, les discrètes et les sociables, les dominantes et les dominées. Deux brebis se défient à coups de corne. Deux autres échangent quelques amabilités. L’une se laisse téter ; l’autre donne un coup de patte puis va manger du foin. D’où les « braves », ces bêtes avec qui Maryline Casavieille noue une relation particulière. Au point d’en garder quelques-unes, même quand elles deviennent trop âgées pour produire du lait. Là encore, ça discute ferme à la maison : le bâtiment ne peut accueillir que 700 bêtes, mâles compris.
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De fait Maryline Casavieille a opté, non pour l’insémination artificielle en vigueur dans la majorité des élevages, mais pour des béliers choisis par ses soins. Aux basco-béarnais, elle ajoute un mâle berrichon pour fortifier le troupeau. De même, l’élevage à Lées-Athas est une affaire de famille : après les grands-parents, son père Jean-Pierre s’occupe des vaches, sa mère Marina du fromage, son frère Jean des chèvres. Et malgré les petites frictions du quotidien, tout le monde se tient par la main. « Nous ne comptons que sur nous-mêmes », ajoute même l’éleveuse, laquelle se dit satisfaite d’avoir grandi avec les cabanes dans les arbres plutôt qu’avec une console à la main. Aujourd’hui encore, le téléphone mobile reste à distance. Ce que respectent ses amis proches, quatre filles et un garçon avec lesquels elle s’offre de rares sorties au restaurant : « Ils m'aiment malgré mes horaires de dingue. Ils ne m’en veulent pas si je suis en retard parce qu’une bête est malade ». Et un éventuel conjoint ? Maryline Casavieille « se pose la question », sans vraiment s’inquiéter. Elle sait qu’il sera difficile à trouver.
Mais une ou deux fois par an pointe le découragement. La variation des prix. L’irruption d’une maladie. « Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre dans la vie ? » s’interroge Maryline Casavieille à voix haute. Sa sœur est cadre de production dans une usine de fruits à Brive-la-Gaillarde. Elle redescend à Lées-Athas toutes les trois semaines. Elle fait le tour de l’exploitation. Elle lui demande des nouvelles. Réponse : Maryline se sent bien chez elle. « Au-delà des bâtiments, c’est tout un patrimoine », souffle-t-elle en embrassant le troupeau du regard. Pour l’estive 2025, promis, la mairie d’Osse-en-Aspe fera poser des toilettes toutes neuves dans la cabane, avec une cuvette et une chasse d’eau.
* Estive : séjour des troupeaux et des bergers en altitude, de fin juin à fin septembre.
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• La ferme Casavieille est située à Lées-Athas en Vallée d’Aspe, Haut-Béarn en Pyrénées.
• Le troupeau de brebis de Maryline Casavieille, ce sont environ 700 bêtes dont 6 béliers. Sur 700 brebis, environ 500 mettent bas chaque année. Parfois, ce sont des jumeaux.
• Une brebis peut avoir du caractère, mais elle ne sera jamais agressive envers l’être humain.
• Le fromage fabriqué en estive a un peu plus de goût car l’herbe en altitude n’a pas tout à fait les mêmes caractéristiques que l’herbe en fond de vallée.
• Pourquoi des marques de couleur sur le dos des brebis ? D’une part, pour identifier les bêtes en estive : parfois, les troupeaux de deux éleveurs se mélangent. D’autre part, pour les ranger par âge : celui de la brebis, mais aussi celui de l’agneau.
• La bergerie de Maryline Casavieille à Lées-Athas est organisée en plusieurs cases de 30 brebis chacune. Cette méthode de travail propre à la ferme Casavieille permet notamment une meilleure proximité entre les brebis et leurs agneaux, pendant les trois semaines où les mères élèvent leurs petits. Cela rend aussi plus facile l’aide à la tétée.
• Le fromage de la ferme Casavieille est vendu à des grossistes, soit blanc, soit affiné. La ferme fait aussi de la vente sur place, à condition de téléphoner au préalable : 06 30 10 63 42.
• Une fois par an, il faut tondre les brebis. L’opération a lieu en automne quand les brebis sont pleines. Les tondeurs sont souvent des paysans qui se sont spécialisés. Compter environ 1,40 € par brebis. Il n’existe aucune méthode pour recycler la laine des brebis.
• L’agnelage, période au cours de laquelle les brebis mettent bas, a lieu de début novembre à mars ou avril. À la ferme Casavieille naissent environ 700 agnelles et agneaux chaque année, dont une partie de jumeaux. La ferme en garde 100 à 120 pour renouveler le troupeau. Après trois semaines près de leur mère, le reste part vers une coopérative en Espagne. En effet, les Espagnols sont friands de viande d’agneau et de veau. D’où l’intérêt de la proximité avec l’Espagne pour les élevages haut-béarnais.
• Comment l’éleveuse sélectionne-t-elle les agnelles qui resteront à la ferme ? Si la mère est une bonne productrice de lait, c’est un critère important. Mais l’éleveuse observe aussi les caractères physiques de l'animal et son comportement.
• Sauf maladie ou accident, une brebis produit du lait pendant huit à neuf ans. Certaines brebis restent à la ferme Casavieille jusqu’à onze ans.
• Dans le troupeau, il y a 20 à 25 décès par an suite à une maladie ou un accident. Et 80 bêtes âgées partent chaque année à la réforme. Moment difficile pour toute éleveuse ou tout éleveur. Le frère de Maryline se charge de cette tâche délicate.
• Un troupeau stressé suite à l’attaque d’un ours ou d’un chien errant voit sa production de lait baisser. La traite quotidienne peut diminuer jusqu’à 40 litres après un événement qui a perturbé les bêtes. Les aléas de la météo font aussi baisser la production. En cas de canicule par exemple, les brebis dorment au lieu de se nourrir.
• À propos de la présence de l’ours dans les Pyrénées, Maryline Casavieille fait un vœu : que les éleveurs soient prévenus par les autorités quand un ours s’approche. Ce qui implique de doter chaque ours d'un GPS pour le localiser. Or, les éleveurs découvrent les dégâts après coup.
• Qui sont les amis de Maryline Casavieille, celles et ceux qui comprennent les aléas d’un métier et s’adaptent à son rythme de travail ? Elles sont éleveuse, vétérinaire, technicienne de contrôle laitier, comptable. Il élève des brebis et des vaches Blonde d’Aquitaine.
• Maryline Casavieille est titulaire d’un bac Sciences et techniques de l’agronomie et du vivant et d’un BTS Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole. Diplômes obtenus au lycée agricole de Montardon au nord de Pau.
• Maryline Casavieille est membre du GAEC des Anaques avec son père, sa mère et son frère à Lées-Athas.
• Page Facebook de la ferme Casavieille.
• Dans un article publié le 11 novembre 2023 dans le journal Le Monde, la journaliste Marjorie Philibert évoque le deuil d’un animal domestique. Période parfois mal perçue par l’entourage : « Rien de plus dévastateur que les remarques déplacées d’un entourage maladroit, écrit la chroniqueuse. Face aux classiques "ça va, ce n’est qu’un chien" ou "tu vas en reprendre un autre ?", le thérapeute en deuil animalier Didier Havé s’insurge : "Si vous perdez un ami, viendrait-il à l’idée de quelqu’un de vous dire : tu n’as qu’à prendre un autre ami ?” »
Or, une brebis, tout comme une chèvre ou une vache, devient un animal domestique dès lors que l’éleveuse ou l’éleveur y consacre du temps et de l’attention. Aucune indemnité de l'État, après l'attaque d'un ours, ne remplace le lien entre un être humain et un animal.
• Page publiée le 13 novembre 2023, mis à jour le 5 octobre 2024. Texte, photographies : Erik Brissot, Centre de bien-être Le Corps S'éveille. Tous droits réservés.
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